Cela fait maintenant environ un mois que le débat sur l’identité nationale à été lancé par le ministère consacré à cette question. Loin d’être resté lettre morte, ce débat entraîne de vives réactions et semble s’amplifier avec le temps. Car si les Français se préoccupent légitimement de la crise et des questions sociales, ils portent également de l’intérêt pour l’avenir de la France, et la question de sa nature identitaire.
Ces questions cruciales sont sensibles, « polémiques » dirions-nous aujourd’hui, et le mince périmètre que la pensée unique tentait d’imposer au débat semble se fissurer de manière salutaire sous les coups des événements récents. Le réel triomphe toujours face à la dissimulation et à l’idéologie.
Ce périmètre, on le sent lorsque l’on poste des contributions sur le site officiel du ministère. Combien de personnes se plaignent de la censure ? J’en sais quelque chose, mon message n’étant jamais apparu sur le site, malgré mes efforts pour ne pas qu’il apparaisse agressif.
Il s’agit donc de donner sa vision de l’identité Française, mais seulement à condition que celle-ci soit à peu près en accord avec celle de la pensée dominante.
Quelle est-elle cette vision de la pensée dominante ? Est-elle celle de la tradition Française ?
La vision bien-pensante des partis du système
Passons sur les partis « d’extrême gauche » qui refusent de s’intégrer au débat, considérant que le seul fait pour un pays de s’interroger sur son identité constitue une marque de fascisme.
On peut lire ainsi sur un tract, le P « CF » « suggérer » à Eric Besson « d’organiser une exposition où l’on expliquerait comment distinguer un individu porteur de l’identité française et celui qu’on doit dénoncer pour le prochain charter ». Enchaînant avec le désormais traditionnel et ridicule avertissement au retour des-heures-sombres-de-l’histoire : « La France a connu de sombres périodes, au cours desquelles ce qui paraît inimaginable peut devenir abjecte réalité. » (1)
Passons aussi sur ceux qui le prennent à la légère, sous prétexte qu’il est lancé à quelques mois des élections législatives. Personne n’est dupe de cela, pourtant la soif de ce débat existe bel et bien. Je pense ici à Jean-Luc Mélenchon, dirigeant du Parti de Gauche, qui déclare de manière décevante « qu’être Français c’est avoir des papiers d’identité Français, point barre ». On l’a connu plus mordant et plus politiquement incorrect.
Pour ceux qui ont décidé de véritablement s’exprimer, on peut résumer la position de la bien-pensance, du PS au MODEM, en cette phrase : l’identité nationale Française c’est la République Française, et rien d’autre. Etre Français, c’est défendre « les valeurs de la république », inscrites aux frontons de nos mairies. (2)
Il n’est donc pas question ici de culture commune, de langue, de mode de vie, et encore moins de religion et de race.
Remarquons d’ailleurs que cette vision se traduit de manière sémantique. On ne parle plus désormais de « peuple Français », mais de « peuple de France ». C’est un changement de mots très révélateur, qui, poussé à l’extrême, implique qu’est Français celui qui se trouve sur le territoire Français, et rien d’autre.
Cela fait penser, à première vue, à l’identité nationale Américaine. Les gens là-bas sont très différents les uns des autres. Ils n’ont bien souvent rien en commun, si ce n’est un sentiment de confiance vis-à-vis d’un système économique et de ses fondements juridiques incarnés dans la bannière étoilée.
Le capitalisme, dans le cas de la vision prônée par le PS, est remplacé en France par la République, d’une certaine manière. Nous sommes tous très différents, mais nous nous reconnaissons dans la République et ses valeurs, comme les Américains se retrouvent dans le capital et ses valeurs.
Avant de critiquer cette vision, précisons tout de même qu’aux Etats-Unis, il existe des gens qui ont une autre idée de leur pays. Une vision de l’identité qui prendrait ses sources dans l’Amérique du XIX siècle, libre et sauvage, plus homogène culturellement, disposant d’un fond moral particulier entraînant une certaine idée de la justice et de la nature. Une vision éminemment respectable.
Mais revenons à la France.
La première critique qui vient spontanément est que Martine Aubry, par cette conception de l’identité Française, nous donne l’impression de croire que la France est née en 1789.
Comme si celle des rois n’était pas aussi la France. Louis XIV et Louis XVI étaient-ils Français ?
D’autre part, on voit très bien où veut en venir la gauche avec cette vision de l’identité nationale. Elle essaie, d’une certaine manière, de prendre au piège le gouvernement. Car en effet, si être Français c’est défendre les valeurs de la république : Egalité, Liberté, Fraternité, alors ceux qui ne défendent pas les évolution sociétales qui en seraient les prolongements ne sont pas de vrais Français.
Par exemple, pour le PS, l’égalité implique aussi l’égalité de mariage pour les couples homosexuels. Ainsi, la droite s’y opposant, elle serait de cette manière en contradiction avec les valeurs de la république.
On pourrait multiplier les exemples de cette logique douteuse, comme le droit de vote aux étrangers, sous couvert de l’égalité. Concernant l’immigration, le raisonnement d’un militant socialiste est celui-ci : Nicolas Sarkozy expulse des clandestins sous prétexte qu’ils ne sont pas Français, hors c’est lui qui n’est pas Français, parce qu’il viole les valeurs de la République en les expulsant. Entendu que les valeurs de la République sont acceptées sous le prisme du PS, soit une certaine idéalisation de l’immigré.
On peut penser, par conséquent, que cette vision de l’identité nationale puisse être éventuellement plus tactique que philosophique. Elle est également grotesque, ou inquiétante au choix. Car on se demande si finalement, être Français pour Martine Aubry, ce ne serait pas voter PS…
Pour ma part, je pense que même les opposants politiques doivent être considérés comme Français. Est autant Français que moi Nicolas Sarkozy ou Olivier Besancenot.
En effet, être Français n’exclut pas pour autant la trahison envers sa patrie. Sarkozy nous réintégrant au commandement intégré de l’OTAN, par exemple. Besancenot réclamant la suppression des frontières et l’Europe sociale.
Dans une toute autre mesure, le Maréchal Pétain établissant un gouvernement vassal de l’Allemagne nazi, n’en était pas moins un dirigeant Français. Un opposant politique certes, qui, au mieux, s’est trompé quant à savoir quel était l’intérêt de la France, mais un Français quand même.
Le retour du réel
Le retour du réel face à cette idéologie, c’est l’entrée inévitable de la question de l’immigration dans le débat sur l’identité nationale.
Cette entrée se traduit par ce véritable coup de tonnerre que constitue « le vote de la honte » (titre de Libération…) des Suisses pour l’interdiction des minarets. Alors qu’en France la bien-pensance nous interdit tout lien entre immigration et identité nationale, les Suisses, grâce à leur système atypique de démocratie directe, font un choix. Ils décident que ces éléments architecturaux, chargés symboliquement et politiquement, n’ont pas leur place chez eux.
A ce sujet, il est amusant de remarquer que les mêmes qui réclament l’interdiction du voile intégral en France poussent des cris d’orfraie… Car si la liberté religieuse doit être violée en Suisse, ce qui n’est pas le cas, pourquoi ne pas dire qu’elle sera violée en France avec l’interdiction de la burqa ? Les minarets et le voile intégral ne sont-il pas la même question ?
Quelques jours plus tard, un journaliste de Canal + arrive malicieusement à tirer d’un petit maire, UMP bien sûr, d’une commune rurale d’une vingtaine d’habitantd, ces quelques propos de café du commerce : « On va s’faire bouffer, y’en a déjà dix millions. Dix millions que l’on paye à rien foutre ». (3)
Le journaliste savait ce qu’il voulait entendre, et la vidéo du gros plouc au nez rougi par l’alcool, symbolisant la caricature du Français réactionnaire que les journaleux de Libération aiment à détester, fait un tabac sur internet.
Et voilà, il y avait bien de quoi s’inquiéter ! Le débat dégénère, il laisse la porte ouverte aux instincts racistes ! Le fascisme instinctif inhérent au peuple Français trouve un moyen de s’exprimer ! Parler d’identité nationale, c’est faire le lit du fascisme !...
Et bien non, nous ne nous ferons pas avoir. Cette propagande grotesque ne nous empêchera pas de constater que la question centrale de l’identité nationale, dans la France de 2009, est celle de l’immigration.
Car, bien que relativement passé sous silence, nous avons noté ce qu’il s’est passé à Marseille lors de la victoire de l’équipe de foot d’Algérie. Le réel est là : voilà des Français qui fêtent la victoire de « leur » équipe nationale, et sèment le désordre par la même occasion, en signe d’opposition à leur pays d’accueil.
Il parait donc évident que de s’interroger sur l’identité nationale sans s’interroger sur l’immigration relève au mieux d’une grande hypocrisie, au pire d’une fumisterie. Dans le champ médiatique, on trouve dans cette optique Eric Zemmour : « Je n’accepte pas que l’on me dise que l’identité nationale n’est pas liée à l’immigration. Tous les Français se bidonnent quand ils entendent ça ! » (4)
La réalité est que la France se trouve face à une immigration très forte, et qui plus est d’une religion différente, entraînant une grave communautarisation. Communautarisation, car corrélativement à ce phénomène, au pire moment, la formidable machine assimilationniste à la Française fut volontairement mise en panne par les élites, enterrée par l’antiracisme. Idéologie mise sur pied par la gauche au pouvoir pour des raisons électoralistes visant à diviser la droite, et aussi afin de masquer ses renoncements au véritable changement social.
Trente ans plus tard, pour des raisons électoralistes également, le gouvernement UMP décide de lancer ce débat sur l’identité nationale. Et oui, accordons-le, il joue un peu avec le feu. Car la coupe est pleine face au politiquement correct, et dès que la parole se délie un tant soit peu, les élites se rendent compte du fossé entre elles et le peuple. Ainsi, « on libère la parole et, à un moment donné, quand la parole vous dépasse, quand on n'arrive pas à la gérer, à l'encadrer, on remet immédiatement le couvert", remarque à raison Marine Le Pen à ce sujet. (5)
Il faut donc briser le politiquement correct, voir le réel en face, et pour affronter les défis qui se posent à nous, clamer de nouveau que si l’identité nationale Française est certes constituée de l’Egalité, de la Liberté et de la Fraternité, elle est aussi formée d’une culture et d’un mode de vie.
Une culture, avec une langue et une histoire commune. En premier lieu notre langue, qui est plus que jamais menacée : d’une part par les élites, qui la troquent de plus en plus au profit du « globish ». D’autre part, mais dans une moindre mesure, par les désorientés identitaires des « classes populaires », qui ajoutent parfois des éléments linguistiques étrangers à la langue Française afin de se différencier de la France.
L’histoire commune en second lieu, dont les assauts de la bien-pensance en ce domaine sont graves. Quand on entend parler, par exemple, de l’instauration de la parité homme-femme dans l’histoire de France (!), les féministes considérant qu’il n’y a pas assez de grandes femmes Françaises, on peut légitimement s’inquiéter, s’affoler même pour l’avenir de ce socle identitaire commun. La communautarisation de l’histoire ne risquant pas d’améliorer le sentiment d’appartenance à la communauté nationale.
Un mode de vie, enfin. Déterminé par la culture, c'est-à-dire par le fond culturel catholique, faisant que nous fêtons noël et que nous buvons du vin, aussi non-croyants que soient la majorité des Français. C’est aussi ce qui fait qu’en France, on ne travaille pas le dimanche.
Il s’agit bien évidement ici d’établir une moyenne, une norme, libre à chacun de ne pas boire de vin (ce qui est mon cas). L’idée est, selon moi, toute entière contenue dans cette maxime anglaise citée récemment par Zemmour :
« A Rome, fais comme les Romains »
Concluons que la contradiction majeure de la gauche bien-pensante vient en vérité de là.
C'est-à-dire que d’une main, celle-ci ne cesse de dire qu’il faut que les Français issus de l’immigration se sentent pleinement Français, à juste titre.
Or, d’une autre main, elle ne cesse de prôner l’exaltation des différences culturelles et des modes de vie, ainsi que celle des racines (si celles-ci ne sont pas Françaises). La seule assimilation qu’elle s’autorise à pratiquer, est celle du drapeau tricolore au fascisme.
Elle ne cesse de considérer toute tradition propre à la France comme signe de repli et d’aigreur. Et elle ne cesse de ne voir dans son histoire qu’une succession de crimes dont il faudrait se repentir.
Comment, dans ces conditions, ces personnes peuvent-elles se sentir Françaises ?
Lorsque l’appartenance à la communauté nationale disparaît, et que l’on exalte les différences et le multiculturalisme, comment ne pas s’étonner que chacun s’invente une nouvelle identité, Algérienne, Italienne, Espagnole ? Et que celle-ci puisse finir par se muter, par le biais d’un enseignement très idéologique de l’histoire, en une triste et préoccupante hostilité envers la France ?
Florent
(1) http://www.pcf.fr/spip.php?article4080
(2)http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/politique/20091207.OBS9836/bayrou__sarkozy_abime_lidentite_nationale.html
(3) http://www.dailymotion.com/video/xbckvt_ils-sont-deja-10-millions-un-maire_news
(4) http://www.dailymotion.com/video/xbdikf_ca-se-dispute-sur-lidentite-nationa_news
(5)http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/societe/20091207.OBS9843/marine_le_pen_ne_veut_pas_de_minarets_en_france.html?idfx=RSS_notr&xtor=RSS-17