Dans notre précédent billet, nous disions que les Français se méfient de la mondialisation et qu'ils y sont majoritairement défavorables. La question qui se pose est : pourquoi ?
A cette question, Hubert Védrine apporte quelques éléments de réponse dans un rapport remis en 2007 au président de la République Nicolas Sarkozy.
D'après lui, les Français sont réfractaires à la mondialisation par un amour "catholique et marxiste" (ce sont là ses termes) pour l'égalité, voir pour l'égalitarisme, et par haine pour les inégalités spectaculaires et les fortunes mal gagnées (en supposant qu'une fortune puisse être bien gagnée) engendrées par la mondialisation.
Le fait que la mondialisation conduise à un accroissement des inégalités à l'intérieur des pays, celle-ci profitant d'abord aux classes supérieures (1), est en tout cas un point qui est couramment accepté et qui ne fait plus beaucoup débat.
Par ailleurs, toujours selon Védrine, les Français pensent que l'Etat est impuissant à jouer son rôle protecteur et redistributeur, débordé qu'il est par le pouvoir grandissant des marchés. Ils ne le croient pas davantage apte à assurer la protection sociale, face à la mise en concurrence directe des ouvriers français et chinois et à la précarité qui en résulte.
Découlant de la soif d'égalité, Védrine note que la France est la grande puissance occidentale dont le peuple se dit le plus réfractaire à l'économie de marché et à son moteur, le profit. 35% s'y déclarent en effet opposés.
Enfin, il pointe une raison identitaire à cette défiance face à la mondialisation : l'attachement à la langue française, perçue comme étant menacée par la "marée anglophone". Toutefois, le nombre incalculable d'anglicismes utilisés par des "bons français" et leur indifférence totale pour les associations de défense de la langue française ne semblent guère valider cet argument.
(1) C'est en tout cas la réalité en France au cours des années 2000, comme nous le montrons dans le quatrième numéro de Socialisme et Souveraineté.