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9 août 2009 7 09 /08 /août /2009 11:21

"Il est difficile de comprendre la révolution de 1917, Lénine, Staline, Khrouchtchev, si l'on n'apprécie pas le peuple russe et son histoire. Depuis la Moscovie, Ivan le Terrible, le XVIème siècle en passant par Pierre le Grand, les Alexandre et les Nicolas, la sainte Russie a été un Etat totalitaire. Encore faut-il s'entendre sur ce mot, qui est devenu une étiquette ou une injure.

Le peuple russe, qui formait une nation avant d'être un Etat, vivait sur des terres ouvertes, des lieux de passage, où s'affrontaient l'Europe et l'Asie, la civilisation de l'âme individuelle et la civilisation de l'âme collective. L'ignorance, l'indolence et l'orgueil de ses chefs, étaient entretenus par l'espace et le temps, le paysage et le climat. Le peuple, dans sa contrainte historique et géographique, s'abandonnait totalement à sa foi et à sa terre. Mais, dans sa grande marmite, bouclé par le rituel de la religion et de l'Histoire, conduit à résister plutot qu'à mener une entreprise, ce peuple, à défaut de s'exprimer, sentait et pensait plus fortement qu'un autre dans les sombres loisirs de ses hivers et de sa peine.

Au XVIIIème siècle, il vivait comme au Moyen Age. Il n'a connu - ou de façon si rudimentaire - ni l'évolution économique et sociale, ni la société bourgeoise, ni la société capitaliste. Il n'a pas été marqué par l'ambition de la fortune privée et par la gestion des affaires publiques qui font le citoyen dans notre civilisation occidentale et le séparent de l'homme. Il en gardait les vertus primitives, l'amour du prochain et l'indifférence aux biens.

Avec sa puissance de sentiments et de rêve, le peuple russe est entré en quelques semaines, aux jours d'octobre 1917, dans le monde moderne. D'un coup, il a été jeté d'un christianisme à un communisme, dont les fondements communs - le problème métaphysique mis à part - sont profonds.

Lénine a conçu une société et un régime. Il est mort trop tot pour l'établir. L'expérience a été totale, et le peuple dans son ensemble, avec une foi confuse, et dans la convulsion, s'y est soumis totalement. Staline a exprimé dans sa force, puis dans sa cruauté et dans son délire, ce totalitarisme. Il a posé le problème du citoyen nouveau, refusant celui de l'homme et des contradictions naturelles de l'un et de l'autre. Devenu un pape, et apportant une bible, il installait une religion temporelle, et substituait à l'idolatrie de l'individu et d'un dieu qui était la projection extérieure de l'individu, l'idolatrie de l'espèce. A l'ouest, la bonne société ne haissait pas Staline, et pouvait l'admirer pour ce qu'il a de ressemblance avec les monstres sacrés de notre histoire civilisée, que peignent avec complaisance tant de manuels. Elle hait le communisme, pour ses conséquences économiques et sociales, comme pour son rappel des sources chrétiennes que les religions occidentales ont trahies.

C'est alors qu'un petit homme est venu, qui croit sans doute que l'on peut résoudre ces contradictions sans briser l'homme. Il avait à la fois l'esprit réaliste d'un paysan et l'esprit religieux d'un Russe. Il a soulevé le couvercle de la marmite. Les choses n'étaient pas simples. Ce n'étaient pas trente ans d'histoire stalinienne qui étaient en cause, mais cinq cents années.

Et puis le monde alors était divisé en deux camps, ou en deux forteresses, avec les armées, les généraux, les bombes atomiques, avec des gens qui pensaient qu'ils étaient le bien et leurs adversaires le mal, et qui pouvaient croire que pour ne pas périr il fallait dominer.

Khrouchtchev était-il pacifiste ? C'est un terme que les communistes n'aiment pas. Ils y voient ce pacifisme bêlant, cette non-violence qui peut prendre la forme d'une démission devant la force, la violence des autres. Tendre l'autre joue et faire voeu de pauvreté, cela sonne étrangement dans notre monde. La plupart de ceux qui ont ces sentences à la bouche sont devenus trop hypocrites. Quelle que soit notre admiration pour le Christ, pour un Tolstoi, un Gandhi dont les voix ont éclairé le monde, on ne peut être un pacifiste efficace si on sépare la notion de paix et de charité de la notion de progrès et de justice sociale.

Des cinq hommes fameux, sans doute Nikita Khrouchtchev était avec Churchill celui qui a le plus fortement gardé les marques du milieu et, à travers l'âge, sa nature d'enfant et d'adolescent.

En 1861, Alexandre II donnait la liberté personnelle à quarante-sept millions d'âmes. Les paysans passaient de la tutelle du seigneur à la tutelle de la commune. Ils avaient attendu trois cents ans de plus que les autres peuples d'Europe que le servage fut aboli. Ils allaient attendre soixante ans encore pour apprendre à lire. Dans cette affaire, un Nikita Khrouchtchev avait reçu quelques déciatines de terre - cinq ou six hectares - de quoi vivre sur sa faim. Khroucht en ukrainien signifie hanneton. Nikita est le grand-père de Nikita. Cela se passe à Kalinovka, à la frontière de l'Ukraine et de la Moscovie. Sur le lopin, il y a un petit bois, un peu de rivière, un paturage. L'histoire de la famille et de l'enfance est une page de Gogol retouchée par Gorki. Elle se déroule dans l'isba, avec les icones, le grand four qui tient la moitié de la salle et la veilleuse. L'enfance est rompue à l'âge de huit ans, quand Nikita se loue pour aller paitre les troupeaux. Elle se termine à quinze ans, quand son père forgeron l'appelle dans le bassin de Donetsk pour travailler à la mine. Le curé lui a appris à lire : la bibliothèque de l'école lui a fourni des vies de saints, Pouchkine, Nekrassov et Jules Verne.

On a pris l'habitude, à l'Est comme à l'Ouest, de découper l'enfance des hommes illustres en imageries d'Epinal, en conte moral, pour bien montrer que leur destin était écrit et conforme au génie national. En Amérique, pour les présidents ou les capitaines d'industrie, il est bon d'avoir été vendeur de journaux ou garçon d'ascenseur. En Russie, on aime que le dirigeant ait été ouvrier ou paysan en détresse, garçon rebelle. Mais sous les oripeaux de la légende officielle, on doit reconnaitre que Nikita Khrouchtchev incarne bien les misères et les petites joies du peuple russe à l'aube du XXème siècle."

Extrait du livre "Les Grands" (portraits successifs de Staline, Churchill, De Gaulle, Eisenhower et Khrouchtchev) publié en 1961 et écrit par Emmanuel d'Astier (officier, journaliste, résistant, membre du Conseil National de la Résistance, ministre de l'Intérieur de la France libre, parlementaire,.......sont quelques-unes des fonctions qu'il a occupé au cours de sa carrière)

La mise en ligne de cet extrait ne signifie pas une approbation sur toute la ligne. C'est surtout que je voulais publier un truc un peu consistant et sérieux qui diffère des "analyses" simplistes et manichéennes de nos bourgeois et trosko-bobos d'aujourd'hui (sans même parler des fachos).

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