Addendum au 12/04/2011 : La proposition de médiation de l'OUA a été refusée par les insurgés, faute d'amener au départ de Mouammar Kadhafi...
Tribune libre de Pablito Waal
Après trois semaines d'interventions aériennes des pays de l'OTAN en Libye, on peut faire les constats suivants:
- La coalition a atteint son premier objectif : empêcher la défaite de la rébellion, imminente au 18 Mars;
- Les bombardements n'ont pas permis un effondrement rapide du régime de Kadhafi (et de toute façon ils ne pouvaient y aboutir);
- Les rebelles ont fait preuve du minimum d'organisation pour reprendre l'offensive jusqu'aux environs de Syrte, avant de refluer jusqu'à Brega et Adjabiyah. "Minimum" d'organisation est donc le terme approprié. Il semble clairement que les rebelles ne sont pas en mesure de gagner la guerre.
La position que j'indiquais il y a trois semaines, consistant à livrer des armes aux rebelles, a pris du plomb dans l'aile : ce n'est pas réellement les armes qui font défaut aux combattants rebelles, mais le plus souvent l'expérience du combat et un commandement efficace. En plus des armes, des instructeurs pourraient leur être envoyés - et y sont probablement déjà. Mais on ne monte pas une armée en trois semaines. L'achat de mercenaires pourrait être une solution, mais l'argent ne pourrait venir que de l'Occident, et l'autonomie de la rébellion ne s'en sortirait pas mieux qu'avec une intervention directe au sol des troupes de l'OTAN (hypothèse qui reste heureusement rejetée).
En revanche, le fait de reconnaître la rébellion et d'empêcher sa défaite me semblent toujours être de justes décisions. On a vu se multiplier les analyses sur les intérêts économiques ou géostratégiques des pays membres de l'OTAN sur la Libye, sur le fait que cette guerre était tout sauf désintéressée (oh, pas possible ! ce qui m'étonne, c'est qu'il existe encore des gens croyant en la possibilité du désintéressement en politique internationale, et qui se choquent de voir des manoeuvres intéressées...). Ou sur le fait que la rébellion aurait été fomentée de l'extérieure, par la France notamment selon la presse italienne (ou plutôt l'exploitation qui a été faite de ces informations par le Web conspirationniste et "anti-impérialiste"). Pour ma part, je ne crois pas que l'on puisse déclencher une guerre civile à partir de rien dans un pays et depuis l'extérieur. Il faut payer cher des gens qui vont risquer leur vie, s'assurer qu'ils aient des armes, et surtout des combattants à convaincre de la nécessité de se battre, des gens prêts à saccager leur pays... Sauf à payer directement chaque combattant (ce qui se verrait très rapidement), une puissance étrangère ne peut pas déclencher une guerre dans un pays où les gens n'ont pas une bonne raison de se battre entre eux. Plutôt que "la rébellion a été fomentée depuis l'extérieur", la réalité, selon mes lectures, serait plutôt que la rébellion était déjà en projet depuis plusieurs mois, et qu'elle avait trouvé des alliés à l'étranger. Mais ces alliances n'expliquent pas que la moitié du pays se soit soulevé.
Dans le cas de la Libye, le sauvetage de l'insurrection par l'OTAN n'a pas entraîné de soulèvement en zone contrôlée par le régime qui aurait terrassé Kadhafi. La répression du pouvoir y est sans doute pour quelque chose, le niveau d'organisation du régime de Tripoli restant nettement supérieur à celui de Benghazi.
Il n'en reste pas moins que, militairement, la situation n'avance pas, le front faisant des va-et-vient pendant que Misrata agonise sous les bombardements. Pour les rebelles, toute négociation ne commençant pas par le retrait de Kadhafi et fils est inacceptable. Et on peut le comprendre: une telle issue rendrait vain tout l'effort de la rébellion depuis Février, sauf si le pays se divisait en deux, avec un Kadhafi-land à l'Ouest, et le Conseil National à l'Est.
Aujourd'hui, des médiateurs de cinq pays africains - malien, ougandais, mauritanien, congolais, sud-africain - avaient embarqué pour la Libye, dans l'espoir de trouver une solution politique. C'est encore la seule solution pour régler le conflit en laissant aux libyens des deux camps le choix de l'issue.